Transcription du texte de la monographie
Monographie de Gerde
Canton de Campan
Commune de Gerde
I
Cette localité est agréablement située sur la rive droite de l’Adour, à l’entrée de la délicieuse vallée de Campan explorée chaque été avec un plaisir toujours nouveau par les étrangers qui fréquentent les eaux thermales de Bagnères de Bigorre. Elle est limitée à l’ouest par Bagnères de Bigorre, au nord par Bagnères et Uzer, au levant par Lies et Banios et au sud par les territoires d’Asté et de Banios.
Son territoire mesure une superficie de 673 hectares 93 ares 40 centiares se répartissant comme suit :
Terres labourables 207 hectares 59 ares 30 centiares
Jardins 5 hectares 23 ares 38 centiares
Vignes 35 ares 20 centiares
Vergers à fruits 5 hectares 2 ares 35 centiares
Allées 3 ares 30 centiares
Canaux et ruisseaux 21 ares 80 centiares
Bois 96 hectares 42 ares 76 centiares
Pâtures 68 hectares 88 ares 93 centiares
Aunaies 1 hectare 81 ares 30 centiares
Bois, futaies et taillis 121 hectares 2 ares 17 centiares
Châtaigneraies 17 hectares 14 ares 30 centiares
Landes 143 hectares 81 ares 60 centiares
Broussailles 25 ares 38 centiares
Graviers 71 ares 50 centiares
Rochers 57 ares 10 centiares
Chemins 36 ares 96 centiares
Sol des propriétés bâties 4 hectares 46 ares 07 centiares
Elle fait partie du canton de Campan et se trouve à cinq kilomètres en aval du chef-lieu, à un kilomètre en amont de Bagnères, chef-lieu d’arrondissement et à dix neuf kilomètres au sud de Tarbes chef-lieu du département.
L’aspect du sol présente deux phénomènes bien différents : une superbe plaine bordant l’Adour sur une faible étendue de son parcours et des coteaux élevés formant les derniers contreforts des montagnes retirées dans les territoires des communes voisines. C’est de la crête de ces coteaux, d’un point appelé les Palomières, que le voyageur jouit du magnifique spectacle que présentent à ses yeux la vue de la belle cité bagnéraise et la plaine à travers laquelle serpente l’Adour. Le plaisir qu’il goûte lui fait oublier les fatigues occasionnées par des marches pénibles à travers un pays accidenté et sur des chemins raboteux.
Il n’existe pas de montagnes sur le territoire de Gerde. Les coteaux qui entourent le village au nord et à l’est sont presque uniquement constitués de roches calcaires en général recouvertes d’une couche de terre végétale. Le sol de la plaine formé d’alluvions est riche et d’une culture facile. Celui des coteaux dans lequel les éléments qui constituent la terre arable ne sont en aucun point en équilibre et, au contraire, peu productif et difficile à travailler à cause de la forte pente qu’il présente et de l’argile qui y domine.
Les chemins qui le traversent, fréquemment ravinés par les eaux pluviales, sont toujours en mauvais état de viabilité.
Aussi faut-il toute la bonne volonté, l’habitude et la force physique dont sont doués en général les habitants de ces coteaux pour ne pas succomber à la fatigue occasionnée par la culture et l’exploitation de leurs propriétés.
Différant essentiellement dans le rapport des mœurs, de l’esprit et du genre de travaux auxquels elle se livre, la population de Gerde forme deux groupes bien distincts : celui de la population agglomérée et celui de la population éparse. Le premier qui comprend les trois quarts environ de la population totale habite la plaine. Les maisons, régulièrement disposées et bâties avec un goût dont le développement rapide se manifeste dans les constructions nouvelles qui s’élèvent, sont adossées au nord et à l’est, à un demi-cercle de mamelons boisés ou cultivés, tandis qu’au couchant et au midi on voit à leurs pieds s’étendre jusqu’à l’Adour cette vaste étendue de prairies naturelles et de champs constamment ensemencés, dont la beauté se trouve encore rehaussée par la richesse du sol.
Placé à six cents mètres d’altitude et n’ayant à souffrir que des vents de l’ouest pas redoutables à cause de la montagne dite du Bédat qui l’abrite de ce côté, on jouit là d’une température relativement douce malgré le voisinage de la neige. Par contre, les pluies y sont fréquentes et abondantes. Elles assurent des changements de température très brusques et partout très dangereux si on ne se précautionnait pas. A part cela, le climat est sain ; la peste qui, en 1588, désola Bagnères et dépeupla Asté au point que l’herbe poussait, dit-on, sur les rues, compta à Gerde peu de victimes. Depuis trois siècles, aucune épidémie sérieuse n’y a fait son apparition.
Un ruisseau peu abondant mais ne tarissant jamais descend des hauteurs voisines où il prend sa source, traverse, de l’est à l’ouest dans le sens de sa plus grande longueur, le village dans l’intérieur duquel il entretient la fraicheur, la propreté et l’aisance ; il va ensuite se jeter dans l’Adour après avoir fertilisé de son limon, par les soins d’une commission syndicale créée en 1885, les prairies qu’il trouve sur son passage et dans lesquelles il se perd durant l’été.
Le reste de la plaine est arrosé par un canal dérivant de l’Adour et rasant presque les dernières maisons du village à l’ouest. En outre deux petits canaux, puisant leurs eaux dans la même rivière alimentent les usines construites sur le bord de l’Adour dans le même territoire. Les crues du ruisseau sont insignifiantes. Celles de l’Adour causées par la fonte des neiges quand un orage éclate dans la région du Pic du Midi sont soudaines et quelquefois très préjudiciables. L’eau déborde, envahit la plaine, emporte les récoltes et envase les prairies qui constituent la principale richesse de la vallée.
La population éparse jetée ça et là sur toute l’étendue des coteaux susdésignés est moins bien partagée sous le rapport de la température, de la nature du sol sur lequel elle vit et des agréments qui proviennent des cours d’eau.
Les habitations ne sont là ni aussi bien construites ni aussi proprement tenues qu’au village. Située à plus de huit cent mètres d’altitude, absolument privée d’abri naturel, cette population a également à redouter les divers vents qui soufflent tous avec une force incroyable dans les régions montagneuses. Les récoltes se ressentent de la rigueur de ce climat et sont toujours, même dans les années les plus favorables, tardives et médiocres. La nourriture de cette population est grossière et essentiellement frugale. Le travail auquel elle est assujettie est autrement pénible que celui qui occupe la population de la plaine. Cela ne l’empêche pas d’être en général plus robuste et mieux constitué. Le contraste se manifeste même dans le teint et les manières de ces deux populations.
Pendant de longues années, je pourrais dire des siècles, une haine héréditaire (selon les affirmations actuelles) a profondément divisé les jeunes gens appartenant à chacune d’elles. Il ne se passait pas de dimanche sans qu’il éclatât entre eux des querelles qui se terminaient toujours par des voies de fait ayant parfois un caractère de gravité très sérieuse. Cette haine perçait jusque dans les écoles et notamment dans celle des garçons où les enfants formaient toujours deux camps bien tranchés dans les récréations. Il ne fallait pas que le maître les perdit un instant de vue sous peine d’avoir à réprimer les écarts qui se produisaient de part et d’autre. J’ai longtemps cherché sans pouvoir trouver la cause de ces animosités. Les renseignements qui m’ont été fournis à ce sujet ne m’ont rien appris. A mon avis, c’est précisément en classe qu’il faudrait chercher et que l’on trouverait la source de cette haine séculaire.
Le hameau avait été de tout temps complètement déshérité des bienfaits de l’instruction. Les enfants ne fréquentaient jamais l’école avant l’âge de neuf à dix ans en raison de la longueur et la difficulté des communications. Ces natures, en grande partie rebelles, n’ayant pas été assouplies par l’éducation première, étaient difficilement façonnées quand, à un âge trop avancé, elles arrivaient en classe. Il en résultait pour ces enfants une infériorité bien marquée dans le développement de l’intelligence et dans les progrès obtenus. Les railleries et les mauvaises plaisanteries, quand le maître avait tourné la tête, ne leur étaient pas ménagées par leurs camarades d’école. Les humiliations dont ils étaient l’objet jetaient dans leurs cœurs les premiers germes d’une haine qui grandissait avec l’âge. Devenus grands ils essayaient de se venger par des provocations qui donnaient lieu aux scènes malheureuses dont il a été parlé. Une école mixte créée il y a quelques années au centre de cette population fait disparaître la cause que je viens de signaler et il est aisé de prévoir que dans un avenir très prochain ces haines, ces querelles auront entièrement cessé. Déjà, elles deviennent de plus en plus rares et les animosités disparaissent
Indépendamment des cours d’eau déjà cités, le village possède depuis 1876 trois fontaines alimentées par deux sources captées et conduites à grands frais dans les principaux quartiers. Ce sont ces trois fontaines qui surtout procurent aux habitants l’aisance dont ils jouissent.
Les étrangers qui visiteront Gerde à l’année ne flétriront plus les habitants de l’épithète humiliant de Goitreux (Gaouéruts dé Yerda). Ils ne pourront pas en effet se résoudre à croire qu’une eau si abondante et si limpide occasionne une affection aussi désagréable que celle du goitre. La science elle-même s’est mise en frais pour trouver les éléments constitutifs des eaux de Gerde auxquelles on attribue la production du goitre. En 1882, M le Docteur Garrigou président du congrès scientifique de Dax fit puiser par les soins de M le Docteur Dejeanne de Bagnères membre de ce congrès une certaine quantité d’eau dans le ruisseau et aux sources qui alimentent les fontaines.
L’analyse en a été faite. Voici le résultat textuel de cette opération :
« L’eau du ruisseau, quoique limpide, a laissé déposer une matière glairineuse et a répandu par l’évaporation une odeur véritablement infecte. L’eau des fontaines a acquis une odeur semblable mais bien moins prononcée. L’analyse de ces eaux n’a laissé rien de particulier. Le résidu total d’un litre est de 0,15 environ dans lesquels il y a peu de chaux et peu de magnésie (0,006). Mais les villages des goitreux sont bâtis ordinairement auprès de roches magnésiennes. Dans ces villages, on a pu observer que les goitres étaient d’autant plus nombreux que ces roches étaient elles même plus à découvert. Selon l’expression de feu M le Docteur Marchand, ils se présentent sur les vallées pyrénéennes de la même manière que la roche verte en fuseau, c'est-à-dire plus rares aux extrémités et augmentant au centre selon la constitution du sol. On peut même quelquefois, comme M Garrigou l’a fait en Espagne, deviner les points où se rencontrent les goitreux ; mais cette détermination n’est pas infaillible ! »
En 1883, MM les Docteurs Dejeanne et L.Cazalas ont procédé à une inspection très minutieuse des goitres existant chez les enfants qui fréquentaient en ce moment l’école des garçons. Ils ont constaté, à ma grande surprise, que 33 élèves, c'est-à-dire la moitié de la population scolaire, étaient atteints plus ou moins gravement de l’endémie du goitre. Vers la même époque, une visite faite dans le même but dans l’école de Lesponne, hameau de Bagnères, établissait que sur 60 élèves, cinq ou six à peine étaient à l’abri de l’endémie. A Gerde, ils ont en outre constaté que la plupart des cas ne présentait aucun caractère de gravité et ils ont affirmé que chez presque tous l’infirmité disparaissait au fur et à mesure qu’ils grandissaient.
Ils ont appelé mon attention sur une particularité de vêtement : cou nu exposé à l’action de l’aise, constriction inférieure par le col de la chemise, conditions qui doivent gêner la circulation veineuse et favorisent la production du goitre. Ces messieurs ont été unanimes à reconnaître que l’endémie goitreuse diminue là où le bien-être augmente. Il est en effet de notoriété publique qu’à Gerde cette endémie est en décroissance rapide depuis le partage de certains communaux dont la culture a considérablement augmenté les ressources alimentaires, la création de l’industrie marbrière, la restauration et la construction de maisons bâties d’après les nouveaux types, l’élargissement des rues et enfin la création des fontaines dont l’eau est de beaucoup supérieure à celle qui traverse le village. Au hameau, il est très rare que l’on ait à constater un seul cas de goitre. Cependant la seule eau potable que l’on puisse se procurer est puisée soit dans quelques rares puits, soit dans des sources jaillissant dans des prairies plus ou moins marécageuses. Ce qui vient d’être dit à ce sujet semblerait prouver que la présence du goitre ne peut pas être attribuée aux propriétés dont jouissent certaines eaux potables.
II
La population totale de Gerde s’élève, d’après le recensement de 1886, au chiffre de 836 habitants. Ce chiffre ne varie pas sensiblement depuis de longues années. Si le recensement de 1881 l’avait porté à 882, c’est par suite d’une erreur commise par les commissaires recenseurs.
La commune comprend le village qui compte 177 ménages et 612 habitants et un hameau qui possède 39 feux et 224 individus.
Le village, à son tour, se divise en quartiers, à savoir :
1er - le quartier du moulin avec sept ménages et 21 habitants
2ème- le quartier du bas du village avec 34 feux et 92 habitants
3ème- le quartier du Limaca avec 31 feux et 113 habitants
4ème- le quartier de Nicharre avec 23 feux et 70 habitants
5ème- le quartier de Sibérie avec 18 feux et 60 habitants
6ème- le quartier de Ste Anne avec 19 feux et 80 habitants
7ème- le quartier du Theilh ou d’Estantère avec 13 feux et 58 habitants
8ème- le quartier de la Fontaine avec 32 feux et 118 habitants
Le hameau forme un seul quartier et est connu sous le nom de Forêt de Gerde.
La commune n’est point sectionnée. Elle est administrée par un maire assisté de onze membres du conseil municipal ayant tous leur domicile au village. La population appartient au culte catholique et est desservie par un prêtre habitant le chef-lieu. La perception des impôts se fait par les soins du fonctionnaire résidant à Campan. Pour les postes et télégraphes, Gerde est desservie directement par le bureau de Bagnères. Le centime vaut 29 francs. Les revenus ordinaires produits par les taxes affouagères, la ferme de biens communaux non soumis au régime forestier, la vente des herbes qui poussent sur des pelouses et enfin les subventions accordées par l’Etat pour le service de l’instruction primaire forment annuellement un total de 3300 francs environ.
III
Les principales cultures locales sont celles du blé, du maïs, du haricot, des pommes de terre et des carottes. En plaine, l’hectare de terrain produit jusqu’à trente hectolitres de froment tandis que sur les coteaux on obtient, dans les années favorables, la moitié au plus de ce rendement exceptionnel. Les mêmes proportions sont gardées pour toutes les autres cultures. Malheureusement le terrain de la plaine offre l’inconvénient grave d’être trop morcelé et de constituer la propriété du quart seulement de la population du village. Le reste de cette population est exclusivement compos é d’ouvriers marbriers, de charpentiers, de maçons et de cordonniers qui sont presque continuellement occupés à Bagnères.
La chasse des palombes faite sur une grande échelle au moyen du filet vertical avait occupé pendant une cinquantaine d’années bon nombre d’individus. Pendant longtemps, cette chasse donnait des revenus qui paraissent fabuleux. Depuis, au fil des ans, cette chasse a dû être abandonnée faute de chasseurs et aussi parce que le nombre des oiseaux a diminué au point que, de très rémunératrice qu’elle avait été, elle était devenue presque dérisoire et constituait une charge pour le propriétaire des pantières. C’est à propos de cette chasse que l’on a dit par ironie : « A tu Miniquita véra ét matré es couloums qu’arrivan ».
L’industrie des habitants du hameau est essentiellement agricole et pastorale. Ils apportent un soin tout particulier dans l’élevage des bêtes à laine dont ils retirent, à part les deux dernières années, des revenus considérables. Bien qu’ils soient moins bien partagés sous divers points de vue que les habitants du village, on remarque chez eux plus de bien-être. Là chacun est propriétaire et chacun, grâce à un labeur pénible, récolte la quantité de céréales nécessaires à l’alimentation du ménage. Il faut ajouter que cette population a des goûts très simples et dépense peu, au lieu que l’ouvrier, dont le prix de la journée a été considérablement réduit. Depuis l’apparition de la crise industrielle, elle a conservé ses goûts de dépense et dissipe souvent, avant de l’avoir gagné, le montant de son salaire.
Les bois, taillis et futaies n’occupent, comme on l’a vu, qu’une superficie de 121 hectares deux ares dix-sept centiares, mais la commune possède dans les territoires de Campan et des communes limitrophes de vastes forêts très bien peuplées de hêtre et de sapin. Les autres essences, même le chêne à la fois si précieux et si commun dans nos régions, forment dans ces montagnes la grande exception. Ces forêts, toutes soumises au régime forestier sont exploitées sous la direction et la surveillance des agents forestiers. La méthode dite d’éclaircie ou de jardinage est employée à l’égard du sapin tandis que le hêtre est traité en taillis fureté. De nombreux baliveaux ou porte-graines sont réservés dans chaque coupe affou Qu’il me soit permis de faire remarquer, en passant, que ce mode appliqué en hautes montagnes est défectueux et notoirement préjudiciable. Ces arbres, après avoir empêché le repeuplement par les taillis, finissent tous par devenir la proie des ouragans qui soufflent sur ces montagnes avec une violence excessive. Il arrive alors que la forêt ne possède plus à un moment donné ni gros arbres ni jeunes pousses et est par ce fait transformé en vrai désert.
Je cite un exemple : en 1885 et 1886 les baliveaux conservés dans les coupes affouagères des cinq ou six dernières années ont tous été décimés ou arrachés. La commune en a vendu pour deux cents et quelques francs sur place où le stère de bois doit sa vente au plus à raison de deux francs. Aujourd’hui, cette partie de montagne, si belle autrefois, présente l’aspect d’une nature absolument dénudée.
Le bois de hêtre, sauf de rares exceptions, est employé uniquement pour le chauffage.
Le sapin, au contraire, est affecté aux travaux de construction.
Les principaux débouchés de l’un et de l’autre sont Bagnères et Tarbes.
Une carrière de bonne pierre à bâtir et d’une exploitation très facile a été ouverte il y a quelques années dans l’un des mamelons qui avoisinent le village.
Sur les bords de l’Adour, se trouvent installés un moulin à farine, une tournerie sur bois, un foulon et deux fabriques de lainages.
Ainsi que cela a été dit précédemment le hameau ne possède que des chemins non classés et par conséquent en fort mauvais état. Pas un d’eux, et ils sont nombreux, n’est classé. Le village est relié à Campan, Bagnères et Tarbes soit par des routes bien entretenues, soit par la voie ferrée qui s’arrête à Bagnères. L’inondation de 1875 détruisit le pont qui met en communication les deux rives de l’Adour. Ce pont a été solidement reconstruit dans le courant des années 1879 et 1880. En outre le chemin d’intérêt commun n° 30 sillonnant la plaine du nord au sud passe non loin de Gerde qu’il met en communication avec Bagnères par la route de Toulouse.
Campan et Bagnères sont trop rapprochés pour qu’on ait besoin d’un moyen de transport quelconque pour y aboutir. D’ailleurs les relations avec Campan sont peu fréquentes. Ce chef-lieu de canton ne possède pas de marché. Les deux foires du printemps et d’automne ont une importance insignifiante et y attirent peu de monde. Le trajet de Bagnères est pour Gerde une agréable promenade. La fréquentation du gros marché que l’on y tient tous les samedis et des quatre foires importantes qui y sont établies de longue date n’offre aucune difficulté et n’occasionne aucun frais. La ligne ferrée aboutissant à Bagnères nous transporte à Tarbes les jours de grand marché. Un char à bancs partant de Gerde facilite le transport des haricots et des carottes que l’on expédie dans ce marché.
Les anciennes mesures telles que la canne, l’empan et le pouce sont encore en usage dans la localité. Un nouveau vérificateur des poids et mesures semble vouloir enfin sévir énergiquement contre les routines et les amener à l’emploi exclusif du nouveau système.
Le commerce local est peu important. Un négociant en vins, jouissant d’une bonne réputation, ne fait cependant aujourd’hui que des affaires très restreintes. La tournerie sur bois écoule peu de produits, mais en revanche une fabrique de lainages, construite tout récemment par M Comet industriel, et dirigée, à notre honte, par des ouvriers allemands, semble vouloir prendre une grande extension. Les produits s’écoulent rapidement à des conditions de prix très favorables. Les bénéfices réalisés ont décidé M Comet à doubler son établissement. Les travaux sont en voie d’exécution.
IV
L’histoire est absolument muette sur le compte de Gerde : pas de trace d’homme célèbre. Les archives ne présentent rien de remarquable. Aucun des documents que j’y ai trouvé ne me paraît devoir être mentionné. Gerde faisait autrefois partie du vicomté d’Aure et d’Asté connu depuis le XVIème siècle sous le nom de comté de Gramont dont le siège est à Asté. Son nom paraît prendre son origine dans Yér qui désignait une partie de montagne ou de coteau cultivé et habité dépendant d’une seigneurie.
Un groupe de cabanes dont il ne reste plus de trace avait en effet existé sur la limite des deux territoires de Gerde et d’Asté. Plus tard les habitants de ce Yér quittèrent le désert qu’ils habitaient et vinrent poser dans la plaine les fondations des premières maisons du village qui prit le nom de Yerde, en français Gerde.
Annexe au titre IV
L’absence de renseignements officiels, la confusion de ceux que j’ai pu recueillir ne me permettent pas de préciser la date de la création de l’école des garçons. L’école des filles était dirigée jusqu’en 1848 par une institutrice privée. Sur la demande de cette directrice le conseil municipal, par une délibération en date du 18 novembre 1848, érigea cette école privée en école communale et assura sur les ressources communales un traitement annuel de 150 francs plus 10 francs pour indemnité de logement.
La trop fameuse loi de 1850 vint pendant vingt années détruire ce que bon nombre de municipalités avaient déjà fait et semblaient vouloir continuer en faveur de l’enseignement. En 1877 les deux écoles de Gerde étaient séparées. Celle des garçons était installée dans une masure dont la commune fit l’acquisition en 1855 en vertu d’une délibération prise par le conseil municipal à la date du 29 octobre 1854. Celle des filles occupait une pièce dans une maison particulière où elle n’a jamais été dans des conditions supportables de salubrité et d’ampleur. Aussi ces écoles ont végété jusqu’en 1882, époque à laquelle fut terminée la construction du groupe scolaire.
Ce local comprend deux salles de classe mesurant chacune soixante six mètres carrés ; elles sont au rez-de-chaussée. Au premier étage se trouvent les logements de l’instituteur et de l’institutrice. Ils sont superposés aux deux salles d’école et comprennent une cuisine et une vaste chambre à coucher. Ces logements comme les salles d’école sont séparés par un large vestibule dans l’intérieur duquel se trouve un escalier monumental donnant accès à la salle de conseil qui remplit au premier étage la moitié du vestibule et au logement de l’instituteur. L’institutrice aboutit à un logement et au galetas par un escalier extérieur serpentant au milieu d’un pavillon. Il n’est sans doute pas besoin de faire observer que les logements sont insuffisants et que, si la construction du groupe scolaire, dont la dépense est arrivée au chiffre énorme de 26000 francs (dont 18000 ont été fournis par la commune) ne laisse rien à désirer au double point de vue de la salubrité et de la solidité, elle est bien défectueuse sous le rapport de l’aménagement intérieur. Les cent élèves qui fréquentent ces écoles n’ont encore ni basse-cour ni préaux, ni cabinets.
Un plan et un devis supplémentaire ont été dressés pour le parachèvement des travaux commencés ; mais tout porte à croire que ce parachèvement est condamné à rester pendant longtemps encore à l’état de projet, car l’Etat n’accorde pas de secours supplémentaire et la commune déjà obérée n’est pas à la veille d’équilibrer son budget, encore moins est-elle en mesure de s’imposer des nouveaux sacrifices ?
Le mobilier scolaire est insuffisant et en très mauvais état. Dans l’école des filles il a fallu fixer les tables au plancher pour les empêcher de se renverser. Le matériel géographique est encore plus insuffisant et plus défectueux. L’école des garçons ne possède que quelques vieilles cartes qui tombent en lambeaux. Cette école a pourtant été dotée d’une caisse d’épargne et d’un musée scolaire. Les tentatives faites soit auprès des habitants soit auprès de la municipalité au vu de la création de la bibliothèque scolaire sont encore restées infructueuses.
Il a été dit plus haut que la Forêt avait été de tout temps déshéritée des bienfaits de l’instruction. La construction nouvelle ne rapprochait pas les propriétaires ni n’améliorait les chemins de sorte qu’elle ne changeait rien à la situation qui était faite aux enfants de cette importante fraction de la commune. En 1883, dans l’active et intelligente initiative de M Béret alors maire de Gerde, une école mixte fut créée et installée au centre de ce hameau. La direction en fut confiée à une institutrice zélée et intelligente qui a su gagner la confiance des pères de famille et l’affection des enfants. Son école compte aujourd’hui 48 élèves de l’âge scolaire. En 1886, ce chiffre avait été dépassé. Le local qui a servi à l’installation de cette école est une maison de cultivateurs. Il se compose de deux chambres, l’une affectée à la salle d’école et l’autre au logement de l’institutrice. Une construction nouvelle se fait encore là d’une impérieuse nécessité.
Les besoins scolaires demanderaient donc encore à Gerde :
1er - achèvement du groupe scolaire
2ème- construction d’une école mixte au hameau
3ème- acquisition de mobilier scolaire et de matériel géographique pour les trois écoles, car j’avais oublié de dire que l’école du hameau est dépourvue peut-être encore plus que celles du village.
Sans doute, ces dépenses ajoutées au traitement annuel de l’instituteur et des institutrices, lequel s’élève à 2900 francs, sont énormes.
Mais les résultats énumérés ci-après sont de nature à dédommager dans une certaine mesure la commune et l’Etat des sacrifices qu’ils se sont imposés et de ceux qu’ils sont encore appelés à s’imposer.
Chiffre de la population scolaire en 1877 80 élèves au minimum
Chiffre de la population scolaire en 1887 150 élèves au minimum
Depuis 1883, l’école des garçons qui compte à elle seule plus de 60 élèves a donné deux brevets, deux élèves à l’école normale et neuf certificats d’études primaires, lorsqu’antérieurement cette école n’avait jamais présenté un candidat à un examen quelconque.
L’école du hameau a eu un certificat d’études primaires en 1885.
Gerde, le 12 avril 1887
L’instituteur
Fourcade
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